Verts de Meyrin-CointrinPierre-Alain Tschudi

Conseiller administratif de la Ville de Meyrin

Verts de Meyrin-Cointrin

MEMORIAL
Session ordinaire no. 12
de l'Assemblée constituante
Salle du Grand Conseil
Jeudi 10 juin 2010



M. Pierre-Alain Tschudi.
Le rapport de minorité que je vais présenter, dont je ne suis pas le seul auteur d’ailleurs puisqu’il y a plusieurs cosignataires, Mme Christiane Perregaux, M. Alfred Manuel, Mme Claire Martenot, M. Florian Irminger, M. Thierry Tanquerel, concerne la thèse 201.12.a : « Les étrangers et les étrangères ont le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal aux mêmes conditions qu'au niveau communal. » Il était important de présenter cette thèse minoritaire, puisque comme l’a dit M. Murat Alder, elle aurait très bien pu être une thèse majoritaire puisqu’on était à égalité. La thèse minoritaire que nous proposons a toute sa place dans une Constitution qui se veut une Constitution d’avenir, une Constitution d’un Etat, d’un canton, qui rêve d’avoir une Constitution exemplaire, progressiste, dont on pourrait être fier. Et même si cette thèse n’est pas encore aujourd’hui une évidence pour toutes et tous, il est de notre devoir de construire l’avenir et d’y impliquer toutes celles et tous ceux qui font Genève. Je veux croire que lorsqu’un constituant issu des rangs libéraux a évoqué, une semaine auparavant, qu’il nous fallait une Constitution qui fasse rêver, il pensait à une Constitution qui élargisse les droits politiques à une population qui fait partie intégrante de la société genevoise, parce qu’elle y vit, qu’elle y travaille, qu’elle s’y déplace, parce que dans les actes de la vie quotidienne, elle ne se distingue en rien des Suisses qui vivent et travaillent à Genève.  

Accorder les droits politiques aux résidents genevois d’une autre nationalité, c’est accessoirement aussi reconnaître l’histoire de notre canton. Genève s’est faite, s’est construite grâce à l’apport des migrants. Accorder donc ces droits politiques est un acte de reconnaissance dans le sens de reconnaître toutes celles et ceux qui ont fait Genève et non dans le sens de dire merci, car ils ne l’ont pas fait pour les Suisses ; ils l’ont fait pour leur ville, et plus tard pour leur canton, pour Genève. Accorder les droits politiques, c’est surtout reconnaître une réalité. Nous sommes une communauté de destin. Nous vivons ensemble, produisons des richesses ensemble, prenons les transports publics ensemble, mais nous ne sommes plus ensemble lorsqu’il s’agit de prendre des décisions concernant notre espace de vie commun. Avoir des droits politiques responsabilise, implique. Après 8 ans de résidence, toutes les personnes non suisses ne sont pas prêtes à s’engager, à s’impliquer. Mais bien des Suisses ne participent pas non plus, alors qu’ils sont nés et ont grandi à Genève. Il n’y a donc pas vraiment de raisons qu’il en soit autrement des personnes auxquelles on octroierait le droit de vote. Cela dit, le nombre de résidents genevois participant aux prises de décisions augmentera et les résultats de votations et d’élections auront ainsi une légitimité renforcée, même si le taux de participation n’augmentera pas forcément, je vous le concède. Notre nouvelle Constitution a pour objectif de favoriser la cohésion sociale, le vivre ensemble dans notre canton. Notre nouvelle Constitution doit donc rassembler et impliquer le plus grand nombre de ses habitants. En élargissant les droits politiques, on crée un nouvel élan pour notre cité, une envie de participer et une envie de se responsabiliser. Bien sûr, ce n’est pas l’octroi d’un droit à lui seul qui, automatiquement, suscite ensuite un sens des responsabilités et du devoir envers la collectivité, mais c’en est une condition. D’autres mesures sont nécessaires, pour les étrangers comme pour les Suisses d’ailleurs, pour créer une envie d’engagement citoyen.  

Exiger la naturalisation pour s’impliquer dans notre vie politique cantonale résulte à notre sens d’une certaine confusion. Ces droits politiques ne sont ni un cadeau ni une récompense qu’on accorderait à celles et ceux qui auraient choisi de devenir suisses. C’est parce que l’on vit à Genève qu’on doit participer à la vie de cette cité, qu’on soit suisse ou non. Adopter la nationalité suisse est un choix important qui implique parfois de renoncer à une nationalité antérieure. Devenir suisse présuppose pour les nombreux étrangers bien connaître la Suisse, ses différentes régions, nos compatriotes suisses alémaniques, tessinois et aimer ce pays.  

Le président. Monsieur Tschudi, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Pierre-Alain Tschudi. Je vais essayer de synthétiser. Je veux dire qu’il n’est pas évident pour les Suisses de naissance, qui n’ont jamais eu un choix important à faire, de comprendre cela. On sous-estime ce choix lorsqu’on dit qu’il suffit de se naturaliser pour avoir le droit de vote. Ce sont deux choses tout à fait distinctes et je crois qu’il faudrait en tenir compte. Je reprendrai la parole après en fonction des discussions.

(...)

Le président.
Merci Madame Saudan. La parole est à M. Pierre-Alain Tschudi.  

M. Pierre-Alain Tschudi. Il y a combien de minutes encore pour les Verts.

Le président. Il vous reste un peu plus de quatre minutes.  

M. Pierre-Alain Tschudi. D’accord. Ce que je voulais dire, c’est qu’il y a une chose qui m’étonne dans ce débat, c’est que des partis qui affirment toujours un énorme attachement à la Suisse, ont leur drapeau dans leur Assemblée, etc., fassent si peu de cas du fait de devenir suisse. Dire simplement, si vous voulez voter, vous n’avez qu’à devenir suisse, bon ben d’accord, je deviens suisse pour pouvoir voter. Ce n’est pas l’unique raison de devenir suisse, et si 70 % des étrangers de Genève qui pourraient devenir suisses ne le deviennent pas, ce n’est pas à mon avis parce que la procédure est trop compliquée, c’est que peut-être effectivement, ils ont une autre représentation de ce que signifie devenir suisse. Mais faut-il pour autant se priver de leur apport important pour la vie de notre canton ? C’est cela la question. Ce n’est pas de donner des droits à quelqu’un, c’est se priver de leur intelligence qu’on est en train de faire en leur refusant de participer pleinement à la vie politique de notre canton.  

Maintenant, il y a la deuxième chose qui m’étonne, ce sont aussi les vertus qu’on prête au fait d’être suisse. Comme si le fait d’être suisse signifiait forcément qu’on est intégré. Je crois que cela a déjà été évoqué, mais moi qui vit à Meyrin, je connais de très nombreux Suisses qui n’ont jamais vécu en Suisse, qui sont arrivés un jour ici, qui ne parlent pas un mot de français et qui ne votent pas d’ailleurs, parce qu’ils ne comprennent rien, donc il n’y a pas grand risque qu’ils votent puisque pour pouvoir voter, il faut savoir qu’il y a une votation, une élection, et donc comprendre quelque chose. Donc, le fait d’être suisse ne signifie pas forcément être intégré. Donc comprenez ce qui a été dit, devenir suisse est l’aboutissement d’une intégration, cela, c’est faux. Il y a  des Suisses qui sont parfaitement intégrés, qui votent et qui participent, il y a des étrangers qui sont parfaitement intégrés et qui, pour une raison ou une autre, ont renoncé, pour l’instant ou peut-être pour toujours à être suisse. Le fait de penser que de devenir suisse signifie une durabilité de résidence est également faux. Il y a des tas de gens qui deviennent suisse et qui partent. Donc je pense qu’il faut peut-être voir la réalité et ne pas se faire de cinéma sur ce que signifie être suisse et être intégré. Je répète, ce qui compte, c’est ce dont on se prive en n’accordant pas de droit de vote. J’aimerais terminer sur une petite remarque personnelle. Il y a quatorze ans, avec M. Michel Chevrolet, qui regarde son Natel – Ipad, pardon, j’étais un peu dépassé – il y a quatorze ans, nous avons présenté au niveau communal une première résolution, il y en a eu d’autres après dans d’autres communes, demandant au Conseil d’Etat d’élaborer une loi constitutionnelle pour accorder le droit de vote au niveau communal. On nous a dit : « Mais vous êtes des doux rêveurs, cela ne se fera jamais, ce n’est pas possible, franchement, les Genevois n’accepteront jamais. » Et puis, depuis lors, les mentalités ont évolué, le débat a eu lieu, les Radicaux s’y sont mis, comme l’a rappelé Mme Saudan, et la chose a progressé. Moi je pense franchement qu’il y a 14 ans, au fond de moi-même, je me disais qu’effectivement, on était peut-être utopiques un peu, ou utopistes, mais quelques années plus tard, cette utopie est devenue une réalité, et il n’y a pas de raison que cela s’arrête là, parce que la démocratie effectivement, elle ne stagne pas, soit elle évolue, soit elle régresse.