Mesdames, Messieurs, chers amis,
Un peu comme à la cérémonie des Oscars ou des Césars, il m'appartient, en ma qualité de conseiller administratif en charge de l'énergie, de vous adresser quelques mots. Je le fais au nom du Conseil administratif, de mes deux collègues, Madame Monique Boget, maire, et Monsieur Jean-Marc Devaud, mais je m'exprime également au nom de l'ensemble de la collectivité meyrinoise qui a contribué à ce que ce soir cette prestigieuse distinction nous soit remise.
Pour nos invités, venus d'ailleurs, permettez-moi tout d'abord de faire brièvement les présentations.
Vous vous trouvez ici au coeur de la commune de Meyrin, un village devenu ville il y a une cinquantaine d'années grâce à la construction de la première cité-satellite de Suisse. A l'époque, les préoccupations environnementales et énergétiques n'étaient pas très présentes, l'efficience énergétique n'était pas vraiment une préoccupation, la mobilité n'était pas perçue comme problème, Ce n'est que suite au premier rapport du Club de Rome en 1972, le choc pétrolier de 1973, et l'essor du mouvement antinucléaire à Genève que les questions énergétiques ont commencé à occuper l'opinion public. Et la Ville de Meyrin s'est également engagée en soutenant les procédures judiciaires contre le surgénérateur au plutonium de Crey Malville. Témoin de cette prise de conscience de la population genevoise, l'adoption de l'initiative populaire : « L'énergie-notre affaire » en 1986. Cette initiative démontre que les Genevois ont alors compris qu'il ne suffisait pas de s'opposer à l'énergie atomique, mais qu'il fallait trouver des alternatives qui ne péjorent pas notre environnement et notre santé. L'initiative ne se contentait pas d'interdire l'installation de centrales nucléaires ou de dépôts de déchets nucléaires sur le territoire genevois ou dans le voisinage, mais s'en prenait également au gaspillage d'énergie et exigeait « le développement prioritaire des sources d’énergies renouvelables et le respect de l’environnement ». L'adoption de l'initiative « l'énergie notre affaire » sera suivie de la loi sur l'énergie et de règlements d'application qui inciteront les communes à devenir proactives. Une année plus tard, en 1987, c'est la Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies qui, dans un rapport intitulé « Notre avenir à tous », mais plus connu sous le nom de rapport Brundlandt, appelait à un développement durable, le définissant de la façon suivante :«Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leur propres besoins». A la suite de ce rapport, fut organisé le premier sommet de la Terre à Rio en 1992 appelant les Etats, mais aussi les collectivités locales à élaborer un agenda d'actions concrètes pour le 21ème siècle permettant ainsi de concrétiser le développement durable. L'élaboration de ces agenda 21 devait non seulement s'appuyer sur les gouvernements, mais impliquait également un engagement des citoyennes et citoyens. Ce que l'on observe aujourd'hui c'est que les Etats, leurs gouvernements et leurs parlements, peinent à prendre les mesures nécessaires, que chaque sommet mondial, que ce soit à Johannesburg, à Copenhague ou à nouveau à Rio il y a deux ans, produit des déclarations qui suscite l'espoir et au final des résultats affligeants et décourageants. Heureusement, au niveau des Villes et des Communes, des engagements concrets ont été pris au fil de ces dernières années. Il est rassurant que les communes agissent sans attendre que les Etats prennent les dispositions législatives nécessaires, mais il est aussi important que les citoyens, les communes interpellent leurs Etats pour qu'eux aussi agissent enfin, la prochaine échéance étant la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris dans une année exactement.
Parmi les communes qui se sont impliquées, qui ont pris des initiatives sans attendre d'y être contraint, il y a la Ville de Meyrin. Dès les premières discussions sur l'arrivée d'un tram à Meyrin, dans les années 90, Monsieur José Collados, qui était à l'époque le responsable énergie de la commune, milite en faveur d'un chauffage à distance. Il y étudie alors avec le ScanE et les SIG plusieurs variantes. Si aujourd'hui près de la moitié des habitants de Meyrin sont raccordés à un réseau de chauffage à distance dont une partie de la chaleur provient du rejet thermique de l'usine d'incinération des Cheneviers, c'est en grande partie grâce à lui. Monsieur José Collados fut un précurseur dans de nombreux domaines. Ainsi l'installation solaire photovoltaïque du Centre de Voirie et Horticole fut, lors de son installation en 2001- 2002, la plus grande du Canton. A l'époque, j'étais conseiller municipal et je me souviens de sa patience à m'expliquer les différentes mesures d'optimisation dans plusieurs chaufferies de nos bâtiments communaux qu'il mettait en place. Passionné des questions énergétiques, il était également convaincu de l'importance de sensibiliser les jeunes générations initiant entre autres les opérations OGURE PEDAGO dans les écoles, qui sont à l'origine des actions Robin des Watts actuelles. Dans le même ordre d'idée, une installation solaire thermique a pu être réalisée sur le toit de la piscine en auto-construction avec des élèves du CO Golette. Cette installation est aujourd'hui toujours en fonction. Toutes ces actions ont permis à Meyrin d'obtenir en 2002 le label Cité de l'énergie, une distinction récompensant les communes qui réalisent concrètement une politique communale durable en matière d'énergie, de trafic et d'environnement. Au nom de nous tous, j'aimerais exprimer notre profonde reconnaissance à José Collados. Un grand merci également à Monsieur Jean-Claude Ducrot, alors conseiller administratif en charge de l'énergie qui a souhaité en 2001 que Meyrin adhère à l'association « Cité de l'énergie » du programme fédéral SuisseEnergie, ce qui a permis à Meyrin de se soumettre à l'audit permettant d'obtenir le fameux label. Et un merci également à Madame Marie-Madeleine Prongué qui assistait fidèlement Messieurs Collados et Ducrot.
Il est sans doute très probable que Meyrin eût obtenu le label Gold beaucoup plus vite, si malheureusement dès 2004, des questions de santé n'avaient pas brutalement freiné l'engagement de José Collados. Depuis, il se bat avec toute son énergie disponible et beaucoup de courage contre la maladie. La semaine dernière quelques anciens collègues et amis ont été lui remettre un exemplaire du diplôme « Cité de l'énergie GOLD » lui témoignant ainsi toute la reconnaissance de la commune.
Pendant plusieurs années, due à l'absence d'un responsable énergie communal, Meyrin a peu progressé dans sa politique énergétique. A un moment, elle a failli même perdre son label. Il faut dire aussi que depuis fin 2008, SuisseEnergie a préconisé pour toutes les Communes engagées dans le processus Cité de l'énergie des objectifs plus ambitieux, notamment en matière de réduction de CO2. L'engagement d'un nouveau responsable, Monsieur Olivier Balsiger, que vous aurez l'occasion de mieux connaître lors de la table ronde qui suivra cette cérémonie, ainsi que la décision du Conseil municipal d'établir et d'adopter un Plan directeur communal de l'Energie et de se fixer des objectifs ambitieux, ont donné un nouvel élan à la politique énergétique communale. Dans ce plan directeur communal, la Commune s'engage à réduire jusqu'en 2020 d'au moins 20% ses emissions de CO 2, d'augmenter de 20% son efficacité énergétique et de s'approvisionner à hauteur d'au moins 20 % en ressources énergétiques renouvelables locales pour le chauffage et l'eau chaude de ses bâtiments et installations. Cet engagement implique toutes sortes de mesures, notamment d'énormes efforts en matière de rénovation des bâtiments communaux. Lorsque l'on s'engage dans une course, ce sont toujours les derniers mètres qui sont le plus difficiles, en tous cas pour des personnes peu entraînées comme moi. Ainsi, la prochaine législature sera déterminante pour réussir à atteindre les objectifs du Plan directeur communal.
La distinction que nous obtenons ce soir est donc non seulement une récompense, mais aussi une incitation à redoubler d'efforts.
J'ai déjà remercié les pionniers, permettez-moi de remercier maintenant pour leur engagement et leur soutien toutes celles et ceux qui ont contribué à cette plus haute distinction :
Je citerai en premier Monsieur Olivier Balsiger, qui avec compétence et enthousiasme, concrétise, au jour le jour, les objectifs politiques en matière d'énergie de la Commune de Meyrin, mais je citerai également l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs qui sont de près ou de loin touchés par les différentes thématiques prises en compte dans le programme Cité de l'énergie. Tous les services communaux ont été et sont concernés, le Développement Social et Emploi, la Culture, les Aînés pour les différentes actions de sensibilisation, l'environnement et l'ensemble des services pour la collecte et le recyclage des déchets, le Sport, la Gérance et entretien des bâtiments, l'Urbanisme, travaux publics et énergie pour les questions énergétiques dans les bâtiments et équipements communaux actuels et futurs, l'Urbanisme et Travaux publics toujours pour le programme d'assainissement qui culminera dans la réalisation du Lac des Vernes, et encore l'ensemble des services pour la politique de mobilité externe et interne. A tous un très grand merci.
Dans l'audit qui précède l'attribution du label Gold, nos évaluateurs analysent l'ensemble des mesures prises sur le territoire meyrinois et non seulement celles prises par l'administration communale. Ainsi nous devons également le label Gold à tous nos partenaires institutionnels qui sont engagés avec nous dans d'ambitieux projets tel que l'écoquartier des Vergers, le CAD- Meyrin ou le grand projet Zimeysaver. Je n'en citerai que trois, l'OCEN et le DALE, la FTI et les SIG.
Notre gratitude s'adresse également a tous les habitants et entreprises de la Commune qui par différentes initiatives que nous présentons dans l'exposition « Visages d'une ville durable » ainsi que dans la brochure qui l'accompagne ont également contribué à l'obtention du Gold. En installant sur leurs immeubles des panneaux solaires, en réutilisant des rejets thermiques pour se chauffer, en optant pour des modes de mobilité douce, en adoptant toute une série d'écogestes qui sont décrits dans la brochure, ils et elles apportent la preuve que l'énergie est bien l'affaire de tous. Un grand merci à toutes et à tous.
Le tout Meyrin a raison d'être fier ce soir, le tout Meyrin se doit également de mesurer notre responsabilité de poursuivre notre engagement. Au moment où nous recevons le European Energy award Gold, le « groupe d'expert intergouvernemental sur l'évolution du climat » , le GIEC, publie son cinquième rapport qui compile plus de 30'000 études réalisées par plus de 800 experts et relus et analysés par environ 1000 autres scientifiques. Ce rapport contient une très mauvaise et une bonne nouvelle, la très mauvaise c'est que le réchauffement du climat s'accélère avec des impacts graves et étendues sur la santé, la biodiversité, la sécurité alimentaire et la sécurité tout court et qu'aujourd'hui il n'est pas certain que nous réussissions à maintenir la hausse globale des températures sous le seuil de 2°C. La bonne nouvelle c'est que nous avons encore les moyens de limiter le changement climatique. « Tout ce dont nous avons besoin, déclarait début novembre le vice-président du GIEC, c'est de la volonté de changer. » Pour garder le cap des 2°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 40 à 70 % entre 2010 et 2050. Cela implique, entre autres, de se détourner massivement des énergies fossiles, d'améliorer fortement l'efficacité énergétique, de limiter la déforestation et donc d'investir des centaines de milliards de dollars d'ici 2030. Les analyses du GIEC démontre également que le tournant énergétique ne devrait pas compromettre la croissance mondiale. A celles et ceux qui hésiteraient à investir dans des mesures qui s'attaquent aux causes du réchauffement climatique, le GIEC répond que plus nous attendrons pour agir, plus ce sera coûteux.
Meyrin ne sauvera pas le monde, mais peut et doit, à son échelle, apporter sa contribution pour léguer aux générations futures une planète vivable. Il y a fort à parier que SwissEnergie élève à l'avenir encore ses exigences et que nous devions également nous montrer plus ambitieux dans nos objectifs. Mais nous avons un grand potentiel d'amélioration. Ainsi, notre commune dispose d'un ensoleillement idéal ( peut-être pas aujourd'hui) et d'un nombre considérable de toiture plate disponible, nous avons un programme important de rénovation de nos bâtiments communaux. Nous avons avec l'ensemble des partenaires des zones industriels, la volonté de créer des écoparcs développant fortement l'écologie industrielle. L'exposition et surtout la brochure regorge d'exemples et d'idées. Je vous invite donc à la lire.
Mesdames, messieurs, chers amis, vous l'aurez compris,
le Gold, n'est pas seulement une récompense, c'est aussi une responsabilité à poursuivre nos efforts, tous ensemble. Le Gold c'est comme au JO, tous les quatre nous sommes à nouveau mesurés, chronométrés et la médaille n'est pas gagné d'avance. Toutefois, je suis certain, que dans quatre ans, notre engagement sera à nouveau récompensé, car ce qui nous motive et nous stimule, ce ne sont pas les médailles, mais notre responsabilité de citoyenne et de citoyen.
Merci de votre attention et de votre patience.
Pierre-Alain Tschudi, le 13 novembre 2014