Verts de Meyrin-CointrinPierre-Alain Tschudi

Conseiller administratif de la Ville de Meyrin

Verts de Meyrin-Cointrin

MEMORIAL  
Session ordinaire no. 24
de l'Assemblée constituante
Salle du Grand Conseil - 2, rue de l'Hôtel-de-Ville
Jeudi 4 novembre 2010




La présidente. Merci Monsieur Barde. La parole est à M. Pierre-Alain Tschudi.

M. Pierre-Alain Tschudi. Merci Madame la présidente. Notre Assemblée, à juste titre, a adopté une thèse qui indique que le droit à l’éducation, à la formation et à la formation continue est garanti. On aurait sans doute pu être plus explicite, en affirmant à l’instar du Conseil de l’Europe que tous ont un droit à la qualité et à l’équité en éducation. Dans une société inégalitaire, l’égalité des chances n’existe pas. L’Etat a donc pour mission d’offrir à tous et toutes une formation de qualité. Les thèses minoritaires qui soulignent que l’Etat a pour mission de mettre des moyens à disposition contre l’échec scolaire et de rendre possible l’accès de tous à une formation de qualité découlent directement du droit fondamental à une éducation pour tous. Une constitution qui déclare que toutes les personnes sont égales en droit et en fait, comme la nôtre, se doit donc au moins d’indiquer par quels moyens l’Etat compte s’engager pour lutter contre les inégalités et l’on sait que l’échec scolaire dépend fortement de facteurs socio-économiques. Une bonne formation, nous le savons également, n’offre pas non plus automatiquement de débouchés dans le monde professionnel. Nombreux sont nos concitoyennes et concitoyens qui au cours de leur vie sont amenés à changer d’orientation professionnelle, que ce soit par choix ou par nécessité. L’Etat se doit donc de tenir compte de cette réalité, il doit promouvoir la formation tout au long de la vie et créer des conditions nécessaires permettant aux adultes de concilier vie professionnelle et formation. Ces trois mesures de soutien – soutien à la lutte contre l’échec scolaire, soutien à l’accès de tous à une formation de qualité reconnue et soutien à la formation tout au long de la vie – doivent être inscrites dans notre constitution pour rendre crédible et concret le droit fondamental que nous avons inscrit au chapitre 1 de notre constitution.

Nous soutiendrons bien entendu la thèse 505.11.a, même si elle est un peu redondante par rapport à ce que nous avons déjà voté au chapitre 1. Cela dit, il n’est certainement pas inutile de répéter que l’enseignement public est gratuit et de souligner qu’il est laïc. Une constitution est un peu une carte de visite, le contrat social qui nous rassemble. Il est donc important d’y affirmer que tous les enfants quels que soit leur appartenance religieuse ont leur place dans l’école genevoise et qu’aucun prosélytisme religieux n’y est toléré. En revanche, les Verts sont très insatisfaits des thèses de la commission définissant les buts de l’enseignement. Dire que l’enseignement public promeut l’esprit civique sans y ajouter l’esprit critique, traduit non seulement une conception de l’école que nous ne partageons pas, mais également une conception de la démocratie qui n’est pas la nôtre. Il est donc primordial de soutenir la thèse de minorité 505.23.a. J’ai fait, comme M. Ducommun, des recherches sur la signification du mot “civique”. Le mot “civique” renvoie, selon Le Petit Larousse illustré, au dévouement envers la collectivité, l’Etat. Or, pour que la démocratie fonctionne, il ne suffit pas d’avoir des citoyens dévoués qui font confiance à l’Etat, mais il est indispensable que les citoyens participent au processus de formation de la volonté générale. Cela signifie que l’école se doit de leur fournir les outils pour porter un regard critique sur le monde qui les entoure, pour qu’ils apprennent à se positionner. L’école doit permettre l’appropriation de la compréhension du monde et la possibilité d’y faire des choix. La question est bien de savoir si l’école doit former des moutons certes dévoués ou des citoyens critiques et responsables. Si vous optez pour la deuxième version, l’esprit civique et l’esprit critique sont intrinsèquement liés. Condorcet – j’ai choisi de le citer parce qu’il est assez consensuel – dans le premier Mémoire sur l’instruction publique déclarait déjà : « Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède mais de les éclairer de plus en plus afin que chacune devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison. » Je ne comprends donc pas comment notre constitution qui se veut être la future constitution d’un Etat démocratique pourrait écarter des buts de l’enseignement la promotion d’un esprit critique, sauf évidemment si l’on imagine les Suisses en troupeau de moutons blancs.

Les Verts soutiendront aussi la thèse de minorité 505.22.a. Cette thèse est également nécessaire. Un chapitre sur les buts de l’enseignement se doit d’indiquer les finalités de l’enseignement et de l’école. Sachant que les objectifs de l’école relèvent aujourd’hui de l’accord HarmoS et de la Convention scolaire romande, Genève peut ainsi dans sa constitution souligner les finalités de l’école auxquelles elle est attachée. L’enseignement public a deux missions essentielles : une mission de formation et une de socialisation. L’accomplissement de cette double mission nécessite un triple apprentissage. Un apprentissage à l’autonomie, la dimension individuelle ; un apprentissage à la coopération, une dimension sociale et un apprentissage à la participation, une dimension publique. Pour remplir cette mission de socialisation, c’est-à-dire d’apprentissage à vivre avec les autres en société, à coopérer, à participer, il est impératif que l’école vive et transmette des valeurs qui sont toutes liées à la démocratie : des valeurs de solidarité, d’égalité, de coopération et de responsabilité.  

Mesdames et Messieurs, il ne s’agit pas dans notre constitution de mettre des tartines, de la surcharger, mais bien de se limiter à l’essentiel comme l’a dit M. Barde, permettant à la vie en société de s’épanouir aujourd’hui et dans le futur dans un cadre réellement démocratique. Les thèses de minorité que nous vous appelons à soutenir font partie de cet essentiel. Merci.